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Corniche Kennedy : l’envol des minots oubliés

  • Écrit par : Guillaume Chérel

Corniche KennedyPar Guillaume Chérel - Lagrandeparade.fr/ L’été, des jeunes des quartiers Nord de Marseille profitent du beau temps et du farniente pour défier la pesanteur : ils se jetent du haut de la corniche Kennedy, pas très loin du Vieux Port. Un mauvais saut, une réception malheureuse et les voilà handicapés à vie, voire sans vie. Mais Sylvestre Opéra, policier diabétique sur le déclin, veille au grain, carnet d'amendes à la main. Un duel au sommet se joue entre minots et « vieux Â» flic, vertige contre vol plané, le tout sous les yeux d'une jeune Suzanne fascinée. Ça c’était dans Corniche Kennedy, le court roman de Maylis de Kerangal (Verticales 2008 / Folio 2011).
Dominique Cabrera en a fait un film, au titre éponyme, en y apportant quelques variantes. D’abord, le flic Blanc devent une fliquette Noire. Dans le bleu de la Méditerranée, au pied des luxueuses villas, les minots de Marseille défient toujours les lois de la gravité en plongeant et sautant depuis les corniches vertigineuses dans l’eau bleue de la Méditerrannée. Marco, Mehdi, Franck, Mélissa, Hamza, Mamaa, Julie : filles et garçons plongent, s'envolent, prennent des risques pour vivre plus intensément. Suzanne (jouée par Lola Créton, seule professionnelle chez les acteurs jeunes, tous très bons sauf Mehdi à la fin), plutôt fille à papa (même si on ne voit que sa mère…) les dévore des yeux depuis sa villa chic. Elle est censée bachoter mais s’ennuie. Leurs corps libres, leurs excès l’attirent. Elle veut en être. Elle va en être. Et elle ne sera pas déçue. Sa vie va changer. Sa vision de la vie. Car les flics s’en mêlent. Comme le « Milieu Â». Le jeune Marco se laisse piéger par l’appât du gain et ça risque de très mal se terminer.
Là où la très tendance écrivaine Maylis de Kerangal décrivait essentiellement l'univers des ados confrontés au monde des adultes, la cinéaste Domnique Cabréra s’attache davantage à voir derrière le contexte social de ces belles images de vol plané et des découvertes amoureuses. Il y a la vie sur terre, avec ses galères, ses règles, ses lois et la liberté de la mer. Le grand saut dans la vie n’est pas sans risque mais comme le dit le lumineux Mehdi à la capitaine de police (black) : lui il est allumé alors qu’elle est éteinte. Corniche Kennedy relate la transgression de l'interdit (le défi sportif comme bras honneur à la société des adultes) et le grand vide auquel sont confrontés ces gamins plein de vie mais oubliés. Ce ne sont pas des racailles. Ils sont jeunes et a priori sans avenir, c’est tout.
Si l’on pouvait regretter le ton un peu hautain, condescendant et intello de Maylis de Kerangal (comme c’est excitant de voir sauter dans le vide de jeunes sauvageons !), le regard de la cinéaste est plein d’amour. On aime les scènes de saut et d’amour et de camaraderies entre les jeunes. Un peu moins l’intrigue policière qui sert de prétexte à la réalisation (les policiers sont bons mais trop peu utilisés). La fin notamment est mal jouée, non seulement par les non-professionnels (pourquoi faire du blond Alain Demaria un Mehdi ?! et de Kamel Kadri un Marco…) mais aussi par les adultes (flics) qui font ce qu’ils peuvent pour exister dans ce scénario léger. Un documentaire, ou un reportage, eut été aussi beau et intense. Et pas moins artistique car il y avait matière avec Marseille. Il reste, malgré les imperfections de jeu, une grande poésie dans ces sauts de minots depuis les corniches et un regard (Isabelle Razavet à l’image) plein d’amour pour ces mômes lumineux, incandescents comme les feux d’artifice qu’ils allument en sautant à l’eau la nuit. Eau, feu, nuit, soleil. Explosion. Tous les contrastes de Marseille sont là !

Corniche Kennedy, film de Dominique Cabrera (1 h 34).
Sortie en salles : le 18 janvier 2017  
Avec Aïssa Maïga (Awa), Lola Créton (Suzanne), Alain Demaria (Mehdi), Kamel Kadri (Marco).

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