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« Lucia » de Bernard Minier : quand le maître du thriller passe les Pyrénées…

  • Écrit par : Serge Bressan

xo editionsPar Serge Bressan - Lagrandeparade.com / Quelques mots pour une confidence : « J’avais envie de me glisser dans la peau d’une femme… » Ainsi, pour son dixième roman, Bernard Minier éprouvait le désir de passer d’un personnage principal masculin qui avait habité ses textes précédents à un féminin- et d’ajouter : « Ecrire, c’est imaginer, et j’aime l’idée de me projeter, d’être un autre ».

Alors, celui qui a terminé l’année 2021 à la sixième place des meilleures ventes de livres en France s’est lancé dans « Lucia », son nouveau thriller. Pour l’affaire, l’éditeur n’a pas lésiné et emmené une dizaine de plumitifs en Espagne- histoire d’assurer les ventes. Mais était-ce vraiment utile : à peine arrivé en librairie, le dixième roman de Bernard Minier s’est installé sur le podium des ventes. Voilà donc un best-seller du printemps- été 2022. Une habitude avec Minier- 61 ans, né à Béziers, apparu dans le monde des livres en 2011 avec « Glacé » (présenté par le londonien « Sunday Times » comme l’un des cent meilleurs polars publiés depuis 1945) et traduit en vingt-quatre langues dans le monde…

Jusqu’alors, donc, celui qui a travaillé dans les douanes pendant plus de vingt ans avant de se consacrer pleinement à l’écriture, déroulait des thrillers au masculin avec le commandant Martin Servaz. Cette fois, il emmène lectrice et lecteur de l’autre côté des Pyrénées, à Madrid, Saragosse, Ségovie ou encore Salamanque dans le sillage de Lucia Guerrero. Ah ! Lucia… « Elle est rebelle, coriace, insolente, terriblement attachante… Elle ne sort pas de nulle part : elle a quelques modèles admirables et bien vivants. Elle doit se battre dans un monde qui est, certes de moins en moins mais encore en grande partie, un monde d’hommes : celui de la police, de la Guardia civil », explique l’auteur. Lors d’une rencontre avec des lecteurs, il précise : « C’est une enquêtrice d’élite mais aussi une jeune femme qui n’arrondit pas les angles, qui est vraie, qui a un côté « badass », dure à cuire indiscutablement. Elle est petite, brune, tatouée, et elle a un modèle bien vivant dont je suis assez proche. Une Espagnole qui a ce caractère, ce chien-là ». Dans ce personnage de Lucia, certain.e.s ont relevé des airs de famille avec Lisbeth Salander, un des héros de « Millenium », la série du Suédois Stieg Larsson..
Avec son art imparable d’ouverture choc pour ses romans (sa marque de fabrique !), Bernard Minier attrape immédiatement. « Lucia cligna des yeux à cause des gouttes qui frappaient sa cornée. Et elle les vit. Au sommet de la colline. Trois grandes croix sombres- le Christ au milieu, les deux larrons de part et d’autre.
-Celle de droite, lui dit le sergent près d’une des carrosseries crépitantes.
Son visage reflétait toute l’horreur qui lui inspirait le spectacle qui attendait Lucia là-haut »
Là, en rase campagne loin de toute habitation, sur l’une des croix, une statue beaucoup plus pâle que les deux autres. « Lucia la regarda… ouvrit la bouche. Un cri muet bloqué dans sa gorge quand la réalité de ce qu’elle voyait lui sauta au visage. Non ce n’était pas possible, ce n’était pas vrai : ça ne pouvait pas être lui »… Et pourtant, si, là crucifié, son collègue disparu… La policière lance l’enquête. Recherche celui qu’on surnomme le « tueur à la colle ». Dans le même temps, à l’université de Salamanque (la plus ancienne d’Espagne, fondée en 1218 par le roi Alphonse de Leon), un groupe d’étudiants en criminologie travaille sur le cas d’un tueur de l’ombre qui s’inspire, depuis des dizaines d’années, de différentes tableaux de la Renaissance pour commettre ses crimes- des « cold cases », ces crimes irrésolus. Ces étudiants disposent d’un logiciel hyper performant et d’une base de données avec la recension de tous les crimes du pays. Ainsi, ils vont pointer trois affaires, trois couples abattus, les corps soudés avec une colle forte. La même méthode utilisée pour le crime du collègue de Lucia Guerrero… Avec une grande habileté dans la technique narrative, Bernard Minier fait le lien entre la policière et les étudiants. Et c’est ainsi qu’au hasard des pages de « Lucia », on pourrait se croire en compagnie d’Arturo Pérez-Reverte (« Le Tableau du Maître flamand ») ou d’Umberto Eco (« Le Nom de la rose »)- ce qui n’est pas rien !

Lucia
Auteur : Bernard Minier
Editions : XO
Parution : 31 mars 2022
Prix : 22,90 €

Extrait

« -Il est mort. C’est fini.
Ils redescendirent. L’un après l’autre. Tête basse. Presque aussitôt, les cosmonautes en combinaisons blanches prirent le relais.
Elle sentit des tremblements convulsifs dans ses mains, dans ses jambes : tout son corps tremblait. La nausée vint si rapidement qu’elle eut à peine le temps de se pencher avant que la brûlure acide ne remonte le long de sa gorge et que son dernier repas mêlé à des flots de bile n’éclabousse copieusement le sol ».

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