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Le karaté est un état d’esprit : Harry Crews chez les losers poétiques

karatéPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Ah ! quel bonheur de lecture… Un roman écrit en 1971 et qui nous arrive enfin en VF, traduit par Patrick Raynal. Un roman complètement déjanté, furieusement pop. Un roman d’Harry Crews (1935- 2012), l’Américain aux dix-huit romans dont « Nu dans le jardin d’Eden » (2013), « Les Portes de l’Enfer » (2015), et le tout nouveau, tout frais au délicieux titre : « Le karaté est un état d’esprit ». Les critiques, de chaque côté de l’Atlantique, ont empilé, accumulé les superlatifs- on relève : « Ce géant démantibulé, cet albatros disloqué, porte sur ses larges épaules avachies toute la douleur de son pays », « l’écrivain des marges, à l’ouest des âmes perdues, torturées, grotesques. L’écrivain des perdants magnifiques » et aussi « Un conteur-imprécateur majeur du roman noir ». Assurément, Crews est un des grands auteurs de polar à la sauce US- mais pas seulement… Dans ce « Karaté est un état d’esprit », on entend des vibrations qui font penser à Charles Bukowski, des réverbs qui font songer à David Lynch. Mais avant tout, il y a la musique si personnelle d’Harry Crews. Surtout quand il nous emmène dans le sillage de John Kaimon, magnifique loser qui, après avoir sillonné l’Amérique, échoue en Floride où il est admis dans une petite communauté de karatékas fanatiques qui pratiquent leur art dans la piscine vide d’un motel désaffecté, le Sun’N Fun Motel où ils ont élu résidence. Bienvenue chez les losers poétiques et magnifiques. L’éditeur français nous prévient : « Plus qu’un simple art martial, c’est un véritable culte auquel s’adonne cette tribu, dont chaque membre a renoncé à sa vie passée ainsi qu’à toute possession matérielle. Seule compte pour eux la pureté de l’esprit ». A l’image d’un Jeff « The Dude » Lebowski, héros magnifique du film des frères Ethan et Joel Coen, Kaimon se contente dans un premier temps de la philosophie de vie de cette tribu, philosophie qu’il trouve grandement satisfaisante. Mais voilà, dans cette tribu, il y a Gaye, aussi belle que troublante karatéka. Kaimon est irrésistiblement attiré, Gaye va l’embringuer dans des aventures hautement sulfureuses. Oui, on est bien chez Harry Crews, un auteur qui manie à la perfection l’ironie, qui ne tait jamais son intérêt pour la sexualité carnivore, les freaks et la violence. Il y a aussi de la tendresse, surtout pour les losers et les âmes perdues. Ultime bonheur (de lecture), on a ainsi droit à quelques pensées et préceptes définitifs- exemples : « Pour croire ce qui est ici, vous devez cesser de croire le reste du monde » ou encore : « La respiration. Tout est dans la respiration. Inspirez le monde et expirez-le... » Un état d’esprit, oui, et aussi du grand art !

Le karaté est un état d’esprit
Auteur : Harry Crews
Traduit par Patrick Raynal
Editions : Sonatine
Parution : 6 juin 2019
Prix : 20 €

[bt_quote style="default" width="0"]John Kaimon dégobillait dans le parking du Sun’N Fun Motel. Il n’y avait aucune voiture et il semblait bien qu’il n’y en ait pas eu depuis un bon moment. L’asphalte était fendu et les fentes étaient pleines d’herbe. La peinture jaune de ce bâtiment de quinze chambres construit en forme de U était tout craquelée et partait en morceaux. La piscine, au centre du U, était à sec et quelqu’un avait cassé le plongeoir. Juste en dessous de l’enseigne qui proclamait Sun’N Fun Motel, on avait écrit en lettres rouges : ‘’KARATÉ- LA DÉFENSE ULTIME’’.[/bt_quote]

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