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« Paris de ma jeunesse » de Pierre Le-Tan : mystère et nostalgie…

letanPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / Dans « Villa triste », Patrick Modiano évoquait en 1975 ces « êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de votre vie ». Pendant plus de quarante ans, le prix Nobel de littérature 2014 a été ami avec un de ces « êtres mystérieux » : le peintre, dessinateur et écrivain Pierre Le-Tan, parti à jamais le 17 septembre dernier à 69 ans. Quelques semaines, quelques jours sur son lit d’hôpital, il lisait, relisait, annotait les épreuves de son nouvel et ultime livre, « Paris de ma jeunesse ». Un livre de vagabondages qu’il avait déjà publié en 1988, un livre qu’il a repris et augmenté- « le Paris de ma jeunesse de 1988 était une évocation insouciante et facétieuse qui mélangeait souvenirs véridiques et anecdotes inventées », confie-t-il. Et d’ajouter, évoquant cette version enrichie : « Mes paupières recouvrent peu à peu mes yeux, mes cheveux blancs sont devenus rares et fins comme ceux d’un enfant et, même si je me sens le même que celui que j’étais à 14 ans, farceur mais aussi ignorant, timide et désarmé face aux fardeaux quotidiens, je ne peux que constater que la jeunesse m’a quitté »…

Au fil des pages, Le-Tan propose rien moins qu’une promenade poétique. Toute emplie de mystère et de nostalgie. On se glisse dans les pas de cet homme, un peu dandy, un peu fantaisiste, apôtre du dessin minimaliste avec des places ou des rues le plus souvent vides… Le-Tan, c’est le dessinateur en noir et blanc, tout en hachures. C’est aussi l’homme qui fait revivre, en mots toujours délicats et bien sentis, des figures du Paris des années 1950 : l’actrice Martine Carol, le couturier Jacques Fath, les acteurs Marcel Dalio (le marquis de La Chesnaye dans « La Règle du jeu », le film de Jean Renoir) et Yul Brunner, l’empereur Bao Daï, Barbara Hutton la richissime héritière des magasins Woolworth… « C’est un Paris perdu que ce « Paris de ma jeunesse », écrit Modiani dans une belle préface. Un Paris que l’on revisite en rêve. Vous aurez beau chercher à tâtons l’interrupteur, la lumière restera voilée »… Chaque chapitre est précédé d’un dessin et titré du nom d’une rue, d’une avenue, d’une place. On commence, avec Pierre Le-Tan, la balade place Breteuil, on prend les quais de la Seine qui « semblaient être un des autres lieux favoris de ma nounou pour les promenades du jeudi après-midi », on file vers le Trocadéro et on se glisse dans l’avenue de Camoëns qui, « avec ses escaliers à balustres, a des allures de décor d’opérette qui n’aurait pas servi depuis des décennies ». On fait une halte à l’hôtel de Suède rue Vaneau ou encore au restaurant le San Francisco avenue de Versailles !
Dandy envolé, Pierre miraculeux, Le-Tan a tenté, en mots et en dessins, de « retrouver le Paris de son enfance et de sa jeunesse, écrit aussi Modiano dans sa préface à Paris de ma jeunesse, et il est si loin, ce Paris-là, qu’il prend dans notre esprit l’allure d’une Atlantide »… Un Paris lointain avec ses boulevards des bouleversés, ou encore ses salons de princes que l’auteur enfant visitait avec son père, ses avenues aussi larges que désertes si nombreuses dans le 16ème arrondissement, et puis aussi quelques Vietnamiens et leurs appartements, « sortes de campements de luxe pour exilés, toujours prêts à partir ». Dans ce Paris, il y avait des princes en exil, des empereurs déchus et aussi des poules et des play-boys. Il y avait des gens qui déambulaient, qui marchaient dans ces rues parisiennes qui leur marchaient sur les pieds. C’était « Paris de ma jeunesse ». Celui de Pierre Le-Tan. Tout en mystère et nostalgie. En poésie, surtout…

Paris de ma jeunesse
Auteur : Pierre Le-Tan
Editions : Stock
Parution : 6 novembre 2019
Prix : 20 €

Extrait:

« Est-ce sa largeur excessive, ou ses arbres trop bien alignés qui donnent à l’avenue de Breteuil des allures de cimetière ? Ou est-ce, au bout, la belle mais funèbre église des Invalides ?
Je crois que les longues promenades que m’infligeait ma nounou sous ces platanes sagement taillés ne firent rien pour améliorer mon caractère déjà mélancolique… »

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