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J’ai si peu parlé ma propre langue : sur scène, contre l'oubli

  • Écrit par : Christian Kazandjian

j'ai si peu parlé ma propre langue Par Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ J’ai si peu parlé ma propre langue ou comment écrire une vie de femme libre prise dans les soubresauts de la guerre d’Algérie.

Dans les studios de Radio Amicale du Soleil on vit et revit, comme « là-bas » en Algérie avant 1962. On y évoque le temps passé, le présent, aujourd’hui, en France, après des années de confusion, de traumatismes, de joies et de peurs. L’émission du jour rend hommage à Carmen Sintès, alors jeune fille, pleine de vie et d’espoir. On convoque sa grande amie d’enfance, aujourd’hui octogénaire, et une auteure qui l’a accompagnée, par ses écrits, à l’époque des « événements » comme on les nommait pudiquement, et tout au long de sa vie. Ponctués par les propos d’une historienne quelque peu docte et véhémente, les témoignages des deux femmes, prises dans les soubresauts tragiques de la guerre, renvoient à l’histoire, la grande, de cette histoire faite de toutes les histoires individuelles que les relations officielles, les manuels scolaires omettent. On revoit, à travers le regard resté vif de deux témoins, les rues, les cafés, les fêtes, les flirts et l’horreur d’une répression sauvage des aspirations de tout un peuple. Voici deux jeunes femmes, soumises à la sévère tutelle patriarcale, qui rêvent d’indépendance dans un pays en marche pour la sienne. Et la voix enregistrée de Carmen apporte une touche de nostalgie et de salutaire lucidité. Le désespoir passé a fait place à la volonté présente de raconter, de transmettre afin que rien ne s’oublie (pas même celles présentes sur le plateau de pâtisseries) .

En lutte contre la bêtise

Ecrite collectivement par Agnès Renaud qui met en scène, Marion Duphil-Barché, Pauline Méreuze, Diane Regnault qui jouent, avec Flore Taguiev, la pièce J’ai si peu parlé ma propre langue mêle fiction, documents d’archives, et souvenirs de Jeannine, la mère d’Agnès Renaud. Cette mère, issue d’une famille aux origines espagnoles, se sera tu pendant cinquante ans, comme tant d’autres acteurs de l’époque (civils, militaires, fonctionnaires) amuïs par le voile de silence jeté sur la société, et sommés d’oublier et se taire, au nom de la raison d’Etat ou de la résilience. Comme s’il était possible d’effacer les brûlures et traumatismes de l’histoire. La troupe de L’Esprit de la Forge joue à merveille du choc de l’histoire banale, somme toute, d’une femme libre malgré le contexte social et politique chargé, avec la grande histoire qui continue d’agiter débats, controverses et réécriture On rit à l’apparition du Général en jupe et talons aiguille, aux cuirs de la chroniqueuse, aux poncifs de la présentatrice ; on se prend à fredonner les airs de chansons qui ont traversé les âges. Et l’on s’émeut à l’évocation de l’amitié inébranlable et la volonté de femmes en lutte contre les préjugés, la bêtise et les haines, creusets des conflits et des guerres. Les quatre comédiennes se livrent avec entrain dans un spectacle empreint de nostalgie, de tendresse et de réflexion sur l’état d’un monde, aujourd’hui, fort abîmé jetant sur les routes de l’exil des millions d’expatriés.

J’ai si peu parlé ma propre langue
Ecriture collective
Mise en scène : Agnès Renaud
Distribution : MARION DUPHIL-BARCHÉ, PAULINE MÉREUZE, DIANE REGNEAULT, FLORE TAGUIEV ET LA VOIX DE JEANNINE RENAUD

Dates et lieux des représentations :

- Jusqu'au 3 février 2024 au Théâtre La Reine blanche, Paris 18e (01.40..5.06.96.)

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