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Douce : une nouvelle de Dostoïevski adaptée au théâtre avec intelligence et sobriété

  • Écrit par : Xavier Paquet

douceurPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ Et si l’histoire commençait par son dénouement ? Le suicide d’une jeune femme et quelques heures après, l’histoire se rejoue de manière rétroactive. Par ce biais narratif, son mari cherche à comprendre le geste, s’interroge sur sa culpabilité, ses sentiments et son propre échec ayant conduit à ce drame. Cette rétrospective nous transporte dans les souvenirs de leur vie conjugale : la rencontre balbutiante, le mariage hésitant, la distension de leurs liens et la lente dégradation d’un amour qui n’était pas encore né, jusqu’au drame fatidique. La pièce se présente sous forme d’un huit clos alternant les moments de confession du mari et les scènes de vie vécues avec sa jeune épouse. En introspection sur lui-même, il prend à témoin le public en s’interrogeant lui-même et l’échec de leur relation. Ayant démissionné de l’armée, il est devenu prêteur sur gage. Par compassion mais aussi par fierté, il décide d’épouser une jeune fille dans le besoin pour la sortir de sa misère. L’espace sera délimité par son bureau de prêteur et un canapé central, lieu de vie et de confession, pour resserrer davantage ce huit clos psychologique. Il est brillamment mis en lumière avec des clairs obscurs, chauds ou ternes comme l’alternance de leurs émotions. Les superbes vibrations orangées sur les moments de confession du mari renvoient l’illusion d’un feu de cheminée ou d’un éclairage à la bougie en référence à l’affiche de la pièce. C’est la rencontre de deux mondes : un homme blessé avec ses doutes et ses remords, une jeune femme enfant pleine de vie et d’innocence. Elle rêve de joie, de danse, de légèreté. Il ne lui propose qu’autorité, froideur et enfermement. Elle ne lui demande qu’un baiser, il la cantonne à un rôle d’épouse. Masquant ses fêlures, cachant ce passé dont il a honte, il reste d’une grande indifférence étouffant le plus possible ses émotions. Elle lui offre en retour son immobilité ou à l’inverse l’attitude rebelle de ses élans de jeunesse précédant la fuite. N’étant pas écoutée, elle finira par se tuer. Mais est-ce elle qu’elle tue ou leur absence d’amour ? Cette pièce courte, adaptée de la nouvelle de Dostoïevski, nous plonge dans une histoire d’amour impossible et dans ses ressorts psychologiques. Elle est portée par de jeunes comédiens au jeu tout en sobriété. L’histoire d’un homme qui croit que l’amour s’achète comme les bijoux de son métier de prêteur. L’histoire d’une femme qui va révéler son incapacité au bonheur et creuser les failles intérieures qu’il n’a pas refermées. Aimer est-ce guérir de ses blessures ? Oublier qui l’on est au plus profond ? Est-ce un partage ou une quête personnelle visant à combler un mal-être ? « Douce » nous force à nous questionner et livre des confessions à petite dose : toutes les émotions y sont contenues pour ne retenir que l’essentiel.

Douce
Auteur : Dostoïevski
Avec Anna Stanic, Nicolas Natkin, Rose Noël, Maxime Gleizes
Metteur en scène : André Oumansky

Dates et lieux des représentations:
- Les 6, 7, 8 décembre 2019 au Théâtre Lepic (Ancien Ciné 13) -1, avenue Junot, 75018 PARIS


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