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Gloria Mundi : la chronique terriblement désenchantée de Robert Guédiguian

  • Écrit par : Julie Cadilhac

gloria mundiPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Lors de l’avant-première au cinéma Diagonal montpelliérain de "Gloria Mundi", Robert Guédiguian a expliqué que ce nouveau long-métrage était parti d’un constat affligé, d’une « impression de vivre une époque de régression »…et effectivement le film laisse un goût très amer, on vous prévient. 

Le réalisateur y dépeint une famille recomposée qui tâche de s’accommoder de ce que le quotidien veut bien lui offrir. Le film débute sur la naissance de Gloria, fille de Mathilda (vendeuse dans une boutique de fringues en CDD ) et Nicolas ( chauffeur de taxi pour touristes rupins). Premiers cris, premiers regards…éclaboussures de bonheur et d’espoir comme dans toute naissance. On apprend alors que le père biologique de Mathilda, Daniel (interprété par Gérard Meylan), va enfin sortir de prison après plus de vingt ans d’incarcération pour homicides (in?)volontaires. Cet homme discret débarque à Marseille et découvre une famille dont les membres ne l’accueillent pas tous avec la même bonhomie. Sylvie, son ex-compagne qui travaille pour une société de nettoyage ( incarnée par Ariane Ascaride) est troublée mais heureuse de repartager une complicité avec cet homme qui représente sa jeunesse; Richard, son compagnon depuis vingt ans, chauffeur de bus de ville,(Jean-Pierre Darroussin) reste bienveillant malgré sa jalousie bien compréhensible; Mathilda (Anaïs Demoustier) s’avère hostile à ce père et grand-père inconnu dont le grand coeur la déstabilise ; Nicolas se laisse charmer par cet homme taiseux au stoïcisme rassurant.
Robert Guédiguian, comme à son habitude, montre le quotidien de ces gens de condition fragile qui se battent pour vivre une vie décente avec des moyens très réduits. Peu à peu, en s’immisçant dans leur intimité, les masques tombent et l’on ne rit plus du tout. Deux générations se font face. Les « anciens », qui font le dos rond, tentent d’être diplomates et essaient de pallier à tous les manques et manquements des plus jeunes. Les « jeunes », d’un égoïsme effarant ou d’une impuissance d’une immaturité déroutante. Ce long-métrage met l’accent aussi sur des rivalités sororales entre Mathilda et Aurore terribles. La question du paraître et de la réussite constituant une obsession permanente font naître, de surcroît, des personnalités détestables( le couple Aurore/ Bruno déclenche viscéralement la nausée…).

gloria mundiLe monde de Gloria ne tourne malheureusement pas autour d’elle; sa présence pèse plus qu’elle ne ravit. Les parents regrettent sa naissance parce qu’ils sont démunis, Aurore clame haut et fort qu’elle ne veut pas d'enfant d’ailleurs (même si c’est une posture d’amoureuse dépitée) et seule la génération des grands-parents apporte à Gloria l’attention qu’elle mérite…avec un esprit de sacrifice méritoire.
Alors on peut penser que c’est une vision qui se complait dans une description négative de la nouvelle génération…Pourtant l’on comprend que la génération précédente elle aussi a fait ses erreurs de jeunesse…mais rien n’était pareil. Qu’est-ce qui a changé? La société qui broie les individus en les épuisant au travail? l’esprit de solidarité qui a disparu? le libéralisme sauvage qui crée des individus qui ne se réjouissent que de l’accumulation de biens matériels? Robert Ghédiguian soulève avec pertinence de nombreuses problématiques inquiétantes propres à cette décennie : l’omniprésence grandissante de la pornographie, la banalisation de la consommation de drogues dures, la question du paraître, la perte des valeurs, l’égoïsme grandissant…On peut toujours trouver que c’est trop caricatural,certes, on sort de là tout de même avec un haut-le-coeur pour Gloria dont le monde ne nous enchante pas du tout…

La distribution est convaincante : Gérard Meylan - en forçat-poète qui a appris à "chercher des beaux moments" pour "les fixer pour l'éternité" en vers - est touchant dans ce monde qui a avancé sans lui et qu'il ne reconnaît plus ; Ariane Ascaride ( récompensée à la Mostra de Venise) est lumineuse en grand-mère courageuse ; Lola Naymark incarne à la perfection une soeur antipathique aux fêlures nombreuses, Robinson Stévenin déstabilise de fragilité en compagnon mal-aimé; Gregoire Leprince-Ringuet convainc en salopard décomplexé ; Robinson Stévenin émeut dans ce rôle de Richard compréhensif et Anaïs Demoustier interprète une pimbêche capricieuse avec justesse. Le scénario de Serge Valetti est habilement écrit même si la fin, sans surprise, manque un peu de vraisemblance. La photographie de qualité accompagne avec justesse cette chronique urbaine désenchantée. 

Derrière chaque lucarne de lumière possible, des petits arrangements avec la vie morose, des rêves "tout cash" de supermarché, qui donnent presque envie de retourner en prison…


gloria mundiGloria Mundi
Date de sortie : 27 novembre 2019
Durée : 1h 46min
Réalisateur : Robert Guédiguian
Scénario : Serge Valetti
Avec Gérard Meylan, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark, Gregoire Leprince-Ringuet, Diouc Koma…
Directeur de la photographie: Pierre Milon
Monteur: Bernard Sasia
Chef décorateur: Michel Vandenstien
Directrice du casting: Jacqueline Vicaire
Directeur de production: Malek Hamzaoui
1er assistant réalisateur: Ferdinand Verhaeghe
Chef costumier: Anne-Marie Giacalone
Ingénieur du son: Laurent Lafran
Régisseur: Bruno Ghariani
Production: Ex Nihilo / Agat Films & Cie
Exportation/Distribution internationale: MK2 Diffusion
Distributeur France (Sortie en salle) : Diaphana Distribution

Film découvert en avant-première le 24 octobre 2019 au cinéma Diagonal - Montpellier ( 34) dans le cadre du Festival Cinemed 

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