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Ni couronne ni plaque : la mort en coulisses

couronnePar Christian Kazandjian - Lagrandeparade.com/ Ni couronne ni plaque fourmille d’anecdotes sérieuses et drôles sur les rituels du deuil.

Peut-on rire de tout ? La question revient souvent s’agissant de caricatures de presse. Alors, au théâtre, on peut rire de la mort ? La pièce de » Janice Szczypawka, Ni couronne ni plaque démontre que oui. Avec la nuance, toutefois, qu’il ne s’agit pas, ici, de moqueries gratuites prenant pour cible des personnes éplorées et des professionnels de pompes funèbres zélés. L’auteure, qui joue et met en scène, s’est immergée dans le monde des marbriers, thanatopractrices et thanatopracteurs et autres « croque-morts », lors du décès d’un grand-père. Première expérience douloureuse, suivie d’autres enterrements d’animaux familiers ou non : chien, chatte, poissons rouges et même « crabes qui s’étaient noyés dans la piscine ». Le second deuil, celui de la grand-mère frappée de la maladie d’Alzheimer, la bouleverse. La question de la mort s’impose alors, comme chez tout un chacun, un jour. La mort et le rituel qui l’accompagne, notamment lors de la préparation des obsèques. Qui sont ces gens qui s’occupent de tout : cercueil, fleurs, annonce dans la presse, embaumement, sépulture. Dépouillés de leur costume noir, de leur mine sombre de circonstance, qui sont-ils ? La pièce nous les découvre, sérieux et facétieux, désacralisés, humains en définitive.

La leçon de thanatopraxie
Tout est dévoilé, artifices théâtraux de mise. Le spectateur a droit à une séance de thanatopraxie -soins de conservation du corps avant présentation à la famille-, détails techniques et grand-guignolesques inclus. Le voici confronté à l’entretien avec la responsable de l’entreprise de pompes funèbres, Cathy, figure triple (comme les Parques ?). Ces trois Cathy en une, permettent d’entrer dans la tête de la protagoniste, d’entendre, comme en aparté, ses réflexions triviales, ses doutes. Au cours de la scène de signature du contrat avec le client, l’examen de la paperasse envahissante déclenche un orage de dossiers, que prolongera une pluie de confettis à l’heure des libations, sous une guirlande de fanions multicolores et de bouquets floraux. Dans le décor dépouillé, où trône un cercueil, on assiste à une démonstration drolatique de thanatopraxie : pinceaux et peintures appliquées sur le corps dénudé d’une morte, rappelle La Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt (l’auteure de la pièce est également plasticienne). Cette leçon se déroule sur un linoléum à carreaux noirs et blancs : l’échiquier sur lequel la Mort et le chevalier s’affrontent, dans le film d’Ingmar Bergman, Le Septième sceau ? De Rembrandt à Bergman et depuis L’Epopée de Gilgamesh, la mort propose une énigme impossible à résoudre : Dieu existe-t-il ? La vie, couronnée par la mort, a-t-elle un sens ? Après, est-ce le néant ? La vie éternelle ?
L’alternance d’épisodes sombres (les cinq silhouettes de noir vêtus, spectres entourant le cercueil) et colorés (les trois Cathy aux tenues de couleurs vives), la musique en direct (marches solennelles et gigues joyeuses), rythment la pièce comme le quotidien fait de peines et de joies. Et le métronome du début et de la fin égrène le temps, celui d’une vie. La pièce, déroulant un ton grave par moments, joyeux presque délirant à d’autres, aborde un sujet universel qui traverse toutes les cultures et en façonne les rites. Une belle réussite portée par six comédiens et un pianiste.

Ni couronne ni plaque
Conception et mise en scène : Janice Szczypawka
Avec Garance Bonotto, Tristan Boyer, Camille Dordoigne / en alternance avec Juliette Blanchard, Ulysse Reynaud, Martin Jobert, Fanny Jouffroy & Janice Szczypawka
Lumières : Olivier Maignan
Composition musicale : Tristan Boyer
Scénographie costumes : Janice Szczypawka
Conception cercueil : Philippe Szczypawka
Assistanat régie : Lison Foulou

Dates et lieux des représentations: 
- Jusqu’au 25 février 2020 au Théâtre de Belleville, Paris 11e (01.48.06.72.34.)

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