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Les filles aux mains jaunes : une superbe pièce où le féminisme travaille "à la chaîne"

les fillesPar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com / « A travail égal, salaire égal » Ce cri du cœur parcourt la pièce et résonne avec force dans l’actualité. Pourtant c’était il y a plus d’un siècle et L’histoire se rappelle à nous.

La Grande Guerre a éclaté, le conflit qui devait n’être qu’une formalité s’enlise : à l’arrière, le décor n’est pas plus reluisant que celui des tranchées.

L’histoire suit le destin de quatre femmes dans une usine d’armement où l’on produit en masse des obus pour servir les soldats. Les robes noires fleurissent aussi vite que les armes sortent des chaines de production. En l’absence d’hommes, on suit la dure réalité de leur quotidien : pénibilité du travail à la chaine, souffrance physique et morale, attente de nouvelles du front. Jeanne a vu partir ses trois hommes et a une revanche à prendre sur les boches, Rose cherche à faire vivre décemment sa fille tandis que Julie, la plus jeune, rêve d’amour.

Et puis il y a Louise, journaliste de formation et militante suffragiste, qui parle publiquement et écrit clandestinement. Face aux injustices du travail en usine, et aux humiliations subies, Louise questionne : pourquoi cette poudre explosive qu’elle manipule tous les jours tachent de jaune leur peau ? Pourquoi sont-elles moins payées que les hommes ? Petit à petit, les munitionnettes se forgent une opinion, s’ouvrent : elles apprennent à se connaître, à s’apprécier et font preuve d’un courage collectif dans l’adversité.

Nous les suivons par une succession de tableaux et scènes de vie mêlant intimité, esprit de groupe et évènements historiques. On y découvre leur courage, leur solidarité : une part d’humanité dans un milieu qui déshumanise à la chaine.

Le texte est puissant et profond, fin dans l’écriture et sensible dans ses propos : la quête de liberté et la croyance à un monde nouveau. Il porte un autre regard sur la femme et son indépendance. Il est mis en avant par une scénographie ingénieuse où une grande structure en bois matérialise les ateliers d’usine et se compartimente en fonction des scènes de vie collective ou des séquences plus intimistes. L’éclairage, mixant lumières chaudes et noirceur, recrée l’ambiance de l’époque.

Les quatre comédiennes campent des personnages marqués et affirmés et affichent une complicité comme écho à leur solidarité : entre rires et émotions, elles livrent une partition touchante avec une fin poignante. L’ensemble est rythmé et énergique et enrichi par des moments chorégraphiés reproduisant la gestuelle répétitive du travail à la chaine qui alterne avec un phrasé plus mélancolique comme la langueur de la guerre et du temps qui passe.

Cette superbe pièce marque le début d’un long combat féministe et d’une émancipation suite à un sentiment de révolte. Un engagement qui se poursuivra dans les années 40 et 70 et qui se perpétue aujourd’hui. Joli clin d’œil à l’Histoire, c’est un homme qui a écrit cette pièce pour porter cette prise de conscience individuelle et collective. Un symbole pour notre monde contemporain.

Les filles aux mains jaunes
Auteur : Michel Bellier
Metteuse en scène : Johanna Boyé
Interprète(s) : Brigitte Faure, Anna Mihalcea, Pamela Ravassard, Elisabeth Ventura
Costumes : Marion Rebmann
Univers sonore : Mehdi Bourayou
Lumières : Cyril Manetta
Scénographie : Olivier Prost
Chorégraphie : Johan Nus
Assistante à la mise en scène : Lucia Passaniti
ATELIER THÉÂTRE ACTUEL - 
COPRODUCTION : SÉSAM' PROD, ZD PRODUCTIONS, LES SANS CHAPITEAU FIXE, HYPERACTIF CRÉATIONS

Dates et lieux des représentations:
- À 12H05 : DU 5 AU 28 JUILLET 2019 - RELÂCHE : 22 JUILLET au Théâtre ACTUEL ( 80, rue Guillaume Puy, 84000 - Avignon) - Festival Avignon Off 2019

- Du 22 septembre au 14 décembre 2022 au Théâtre Rive Gauche ( 6 rue de la Gaîté, 75014 Paris)

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