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Western : une rencontre percutante entre cow-boys allemands et indiens bulgares

westernPar Julie Cadilhac - Lagrandeparade.fr/ Un groupe de travailleurs allemands entame un travail difficile de construction sur un site en Bulgarie. Une terre étrangère qui éveille chez ces êtres brut de décoffrage à la fois le sens de l'aventure mais aussi un repli sur soi et sur ses préjugés.

Dans un premier temps, en effet, la méfiance vis à vis des locaux  -à cause de la barrière de la langue et des différences culturelles - crée des tensions palpables. Très vite pourtant l'un d’entre eux, Meinhard, essaie de gagner la confiance des habitants...
"Western" de Valsera Grisebach est dans la veine cinématographique de la « nouvelle vague allemande » : on y montre l’Allemagne contemporaine sous un prisme extrêmement réaliste, à la limite du documentaire. En cela, disons tout de suite que c’est un travail qui nécessite du souffle et la capacité à accepter une temporalité au ralenti, presque contemplative. L’atmosphère y est la plupart du temps aride et pesante, comme dans les déserts de l’Ouest américain. On y croise des individus partis travailler à l’étranger et en perte de repères ( loin d'une famille inexistante ou disparue, en voie de rupture sentimentale etc.) et qui tentent par le biais d’une virilité exacerbée et d’un patriotisme revendicatif de trouver un moyen de s’affirmer…et d’exister.
Si le titre du long-métrage peut étonner au premier abord, on apprécie ensuite tous les clins d’oeil aux codes génériques du western qui se manifestent. Il y a en premier lieu la situation fictionnelle : des cow-boys allemands, harnachés dans leur tenue de travail, arrivent avec arrogance avec leurs machines perfectionnées dans la campagne bulgare où l’on utilise encore des camions de l’ère communiste, pour amener des infra-structures plus "civilisées" à ces pauvres « indiens » aux revenus faibles et aux manières de vivre d’un autre siècle. S’enchaînent ensuite de nombreuses séquences délicieuses qui font écho à des topoi du genre cinématopgraphique :  Meinhard arrive sur la croupe frémissante et sauvage de Tornado au village ; les villageois s’adonnent à des parties de poker et y perdent leurs derniers sous ;  le « héros » commande une bière assis sur un banc à l’ombre ; ... sans compter les fréquentes rixes entre les allemands et les bulgares ( où couteaux ou poings menaçants se tendent en guise d’accueil). La rivière est de surcroît le motif principal de ce film : lieu où l’on se désaltère, se rafraîchit et se détend; eau indispensable pour poursuivre les travaux et qui devient un enjeu de dispute entre ouvriers et villageois en période de sécheresse. Rivière qui représente symboliquement, en outre, une frontière entre deux mondes ( la scène avec les trois baigneuses est particulièrement symbolique à ce niveau-là : Vincent, le chef de l’équipe allemande joue avec le chapeau d’une des femmes et l’humilie en l’empêchant de le récupérer…scène à laquelle répondra, en miroir ironique, la séquence finale de la fête du village durant laquelle les villageois feront plonger Vincent dans la rivière pour récupérer le drapeau qu’ils lui ont volé…). Enfin, Meinhard a tout d’un héros de western : personnage solitaire et écorché, taiseux au corps sec et musculeux; c'est un Lucky Luke en puissance…il est celui qui crée du lien avec les villageois et s’ouvre à la culture des autres. Celui qui ménage le lien entre les "cement-boys" et les bulgares.
On salue dans ce film l’authenticité de jeu des acteurs qui transperce et touche. La vieille grand-mère bulgare est délicieuse de sincérité ; les deux rôles féminins principaux convainquent, l’un par sa retenue délicate, l’autre par sa capacité à incarner celle qui sait nager entre les deux « mondes » et s’impose comme une femme épanouie. Les liens fraternels qui se tissent entre Meinhard et Adrian sont joués avec justesse. La photographie, tantôt éclabousse de chaleur et donne soif…tantôt plonge dans une obscurité qui devrait permettre une respiration, une fraîcheur ( au creux de l'été) mais reste souvent inquiétante, chaque buisson restant potentiellement hostile.

On ajoutera que le mélange constant des langues allemande et bulgare et les longs échanges entre individus essayant de se comprendre avec bienveillance et intérêt au moyen des consonances similaires, de la gestuelle, du regard et des intonations, est l'un des aspects les plus séduisants du film. 

Si rien ne résout à la fin, c’est que la solitude, mal de notre monde contemporain occidental, poisse tragiquement nos vêtements. Les ouvriers allemands arrivent en vainqueurs mais découvrent bientôt une communauté fondée sur des valeurs simples, conviviales et collectives où l’entraide est de mise et qui les déstabilise. Pas de situation idéale amenée en guise de conclusion et de bien-pensance sous-jacente. Juste un portrait d'hommes ni pires ni meilleurs que les autres qui refuse toute tentation de jugement. La vie est là : respire, étouffe, sourit parfois, se cabre, espère…et apprend un peu de ses erreurs.

A la lisière de la docu-fiction, un "Western" atypique mais profondément humaniste. 

Western
Date de sortie : 22 novembre 2017 (2h 01min)
De Valeska Grisebach
Avec Meinhard Neumann, Reinhardt Wetrek, Syuleyman Alilov Letifov…

Présenté en avant-première dans le cadre du festival annuel Yeehaw!! du cinéma montpelliérain Diagonal en partenariat avec le département cinéma de la Faculté Paul Valéry.

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