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le soleil et ses fleurs : Rupi Kaur, « instapoétesse »

kaurPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / On sait qu’elle est née au Pendjab (Inde) le 4 octobre 1992. L’histoire dit aussi qu’à 4 ans, elle est arrivée avec ses parents à Toronto (Canada). En 2017, elle n’a pas encore 25 ans quand Rupi Kaur publie un recueil de poésie, « lait et miel »- soixante-dix sept semaines dans le classement du « New York Times » des meilleures ventes outre-Atlantique, traduit en trente-cinq langues et vendu à plus de 4,5 millions d’exemplaires dans le monde. Pour le quotidien « USA Today », elle est « la voix de sa génération » et pour le magazine économique américain « Forbes », elle est rien moins qu’« une des 30 femmes qui changent le monde ». On la retrouve avec un nouveau livre, « le soleil et ses fleurs ». Et déjà, le succès est au rendez-vous. Pas seulement parce que Rupi Kaur serait « l’écrivaine sortie de nulle part » comme la présentait le « Guardian » de Londres. Dans ce journal londonien, elle confiait penser connaître les raisons de ce succès : « Les gens ne sont pas habitués à lire de la poésie aussi simple ». Et d’avouer être également « subjuguée quand je vois une femme blanche de 50 ans être concernée par mes propos ».

Avec la Thaïlandaise réfugiée en Nouvelle-Zélande Lang Leav (auteure de « Sad Girls ») et l’Américaine Charly Cox (« She Must Be Mad »), Rupi Kaur est la représentante la plus célèbre de ce qu’on a appelé les “instapoets”. Longtemps, la poésie a été tenue pour un art principalement masculin. Ces derniers temps, des jeunes femmes de moins de 25 ans sont apparues sur les réseaux sociaux comme Instagram, Twitter ou encore Tumblr. Ont bousculé le genre poétique en y déposant leurs textes et en les agrémentant de dessins ou de photos. Autant que Lang Leav et Charly Cox, Rupi Kaur a d’abord été moquée, au motif qu’elle était populaire auprès d’un public jeune et féminin et que, selon Aurélie Foglia (poétesse et maîtresse de conférences à l’Université Paris- Sorbonne), « l’écriture était vue comme un signe de mauvaise réputation pour les femmes. C’était une activité virile, une occupation d’hommes ». Dans « lait et miel », l’auteure indo-canadienne évoquait le viol, les menstruations, la maltraitance, le féminisme, les ruptures, le rapport au corps… Dans « le soleil et ses fleurs », Rupi Kaur pratique encore et toujours le même art avec brio : c’est le grand mix d’une langue aussi simple que limpide, de formules qui claquent, de dessins à la ligne claire sans oublier une pincée de développement personnel. En cinq saisons, elle décline l’amour. C’est d’abord « se faner », puis « tomber », « pourrir », « se redresser » et enfin « fleurir »… Du traumatisme au retour à soi- le temps de l’Amour. Amour fané. Toucher le fond puis « pour guérir / tu dois / aller à la racine / et l’embrasser / en remontant le long de la tige ».
« Rupi Kaur a réussi à revivifier la poésie à travers des thématiques très actuelles et féministes. Cela ne veut pas dire que tous les « instapoètes » ont du talent mais Rupi Kaur a vraiment réussi à capter l’attention d’une génération », explique l’éditrice française du « soleil et ses fleurs ». Les textes de Rupi Kaur sont écrits sans majuscule et sans ponctuation- comme le demande la gurmukhi, l’alphabet le plus utilisé en Inde pour écrire le pendjabi, sa langue maternelle. Au hasard des pages de ce magnifique recueil qu’est « le soleil et ses fleurs », on lit : « lorsque tu m'as enfoncé le couteau / tu t'es aussi mis à saigner / ma blessure est devenue ta blessure / ne savais-tu pas / que l'amour est un couteau à double tranchant / tu vas souffrir comme tu m'as fait souffrir »… L’objectif- à moitié avoué, de cette « instapoètesse » étincelante : que ses lectrices (et aussi ses lecteurs) se sentent prêt(e)s à vivre en paix avec leurs émotions et aussi leur vulnérabilité. Rupi Kaur dit aussi se considérer comme la voix des femmes d’Asie du Sud-Est. Cette voix qu’enfant, elle aurait tant voulu entendre…

le soleil et ses fleurs
Auteur : Rupi Kaur
Editions : NiL
Parution : 21 mars 2019
Prix : 18 €

Extrait

« c'est peut-être la raison pour laquelle je t'ai laissé
me dépouiller jusqu'à l'os
quelque chose
valait mieux que rien
ton toucher
même s'il n'était pas doux
valait mieux que l'absence de tes mains
je pouvais supporter l'abus
je ne pouvais pas supporter l'absence
je savais que je m'acharnais sur une chose morte
mais était-ce important
que cette chose soit morte
si au moins
je la tenais ».

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