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Frankenstein 1918 : une uchronie âpre et violente, qui dénonce la folie des hommes

frankensteinPar Sylvie Gagnère - Lagrandeparade.com/ "J’ai eu le privilège et le malheur de vivre, mourir et puis renaître dans les premières décennies d’un siècle fou, autant créateur que dévastateur. Longtemps, j’ai hésité à témoigner. Ajouter ma voix à la cacophonie du monde me semblait vain. Mais je nourris aujourd’hui l’espoir de donner aux hommes d’après-demain une leçon profitable, si toutefois il advient suffisamment de nouvelles générations pour habiter l’avenir."

Manuscrit de Victor, premier des non-nés.

1914, la Grande Guerre. Après les premiers engagements désastreux, les Anglais décident l’opération Frankenstein : créer de la chair à canon pour vaincre un ennemi bien plus nombreux et mieux armé. Sir Winston Churchill est chargé de la supervision de ce projet, qui fabriquera en nombre des soldats pouvant être sacrifiés sans remords, à partir des archives du célèbre docteur, et grâce à la production industrielle de l’électricité. L’opération est finalement interrompue, mais quelques-unes de ces créatures survivent au massacre. Victor, le premier-né, est de ceux-là. Secouru par Marie Curie, qui le rend à la vie consciente grâce aux radiations, il se réfugie dans les ruines de Londres, devenue inhabitable à cause des bombardements chimiques.  La Grande Guerre (ou plutôt la Guerre Terminale, ainsi qu’elle se nomme dans cette uchronie) n’a pas pris fin en 1918, l’issue en a été changée, et la France, l’Angleterre, l’Europe décrites ici sont bien différentes de celles que nous connaissons.

Johan Heliot tisse entre eux des récits tirés des Mémoires secrets de Churchill, les témoignages d’une Marie Curie désespérée par la folie des hommes, et le journal intime de Victor. Au fil des pages se dessinent petit à petit les conséquences de cette Guerre Terminale et le lecteur se plonge dans cet aujourd’hui, qui aurait pu être le nôtre. En s’appuyant sur ces témoignages, le roman entrecroise une même histoire dans laquelle on est happé, qui dépeint toute la palette des émotions humaines : l’amour, l’amitié, le deuil, l’humiliation, la trahison, la douleur, l’angoisse, la solidarité et l’espérance. Comme en écho à la créature du célèbre docteur, Victor partage ses sentiments, fait preuve d’une humanité que ne possèdent pas bon nombre de « vrais » humains, tandis que Churchill tangue entre lucidité et aveuglement, prêt à tout pour parvenir à ses fins.

Frankenstein 1918 est un bouquin rude, violent, qui dénonce l’enfer des conflits, l’abjection des massacres, des décisions absurdes qui fauchent tant de vies. La guerre y est décrite dans toute son horreur, alors que même les morts ne peuvent reposer en paix quand la folie des hommes s’en mêle. Servi par une écriture âpre et très visuelle et un rythme impeccable, le roman pose des questions essentielles (la fin justifie-t-elle les moyens ? Le monstre est-il vraiment celui que l’on croit ?) et dénonce avec force l’absurdité de la guerre.
Mais au fil des pages se dessine également un hommage, un hommage aux morts inutiles, à ceux (et surtout à celles, car Johan Heliot offre de très beaux personnages féminins) qui se battent pour un avenir moins sombre, pour la vie et l’espoir.

Frankenstein 1918 
Auteur : Johan Heliot
Éditions : L’Atalante
Collection : La Dentelle du Cygne
Parution : 20 septembre 2018
Prix : 16,90 €

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