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Dîner à Montréal : Philippe Besson face au fantôme du passé

BessonPar Serge Bressan - Lagrandeparade.fr / La question revient, encore et encore : « Qu’avons-nous fait de nos amours anciennes ? » Et puis, on lit une citation du romancier et poète britannique Andrew McMillan (né en 1988) dans « Le Corps des hommes » : « C’est toujours l’histoire d’un garçon qui s’en va et d’un autre qui attend son retour ». Une question, des mots parfaits pour glisser dans « Dîner à Montréal », le vingtième et nouveau roman de Philippe Besson qui fait suite directe à « Un certain Paul Darrigrand » paru en janvier dernier et complète une trilogie placée sous le genre de l’autofiction et lancée avec « ‘’Arrête tes mensonges’’ » (2017).

Ainsi, raconte Philippe Besson, voilà quelques années, avec son compagnon Antoine, il est allé au Canada. Etape à Montréal pour la promo d’un de ses livres… Hasard de la vie (vraiment ?), l’auteur va rencontrer Paul et sa femme, oui ce certain Paul Darrigrand avec qui il a connu un amour fou lorsqu’il était étudiant… Dans un récent entretien, Philippe Besson qui est arrivé dans le monde des livres en 2001 avec "En l’absence des hommes" explique : « Une fois écrit « Un certain Paul Darrigrand », je me suis souvenu de ce qui s’était passé, près de vingt ans plus tard, lorsque j’ai revu Paul à Montréal. Pouvais-je raconter ces retrouvailles émouvantes et périlleuses ? La mémoire m’est revenue très facilement. On se pose alors des questions terribles : « Qu’ai-je fait de ma jeunesse ? », « Me suis-je trahi ? », « Ai-je des regrets, des remords ? », « Que devient le désir ? » Je me suis demandé ce qu’aurait été ma vie si j’avais emprunté d’autres chemins... »
Là, outre-Atlantique, dans ce Montréal si loin du Sud-Ouest et de cet amour alors irrépressible, flotte le fantôme du passé. Flotte cet amour du passé, à Bordeaux, Philippe y prépare un master en droit et un jour à la cafétéria, Paul s’invite brutalement à sa table. Philippe immédiatement déstabilisé par « le regard insoutenable » de Paul. Les deux jeunes hommes deviennent amis puis amants et soudain, cette phrase de Paul : « Ma femme m’attend »… A Montréal, dix-huit ans après, en 2007 dans un restaurant du Village à Montréal, Philippe est à présent avec Antoine et Paul vit toujours avec sa femme Isabelle, on lit : « Lui ne joue pas un rôle, lui n’est pas dans les sous-entendus, les non-dits, les souvenirs tus, il n’est pas dans la mondanité, dans la théâtralité, il ne cache pas de cadavre dans ses placards ». Les uns et les autres vont jouer cartes sur table, durant un dîner à fleurets mouchetés.
Certains lecteurs pourront penser que le narrateur / Philippe en veut encore à Paul d’avoir choisi Isabelle, la femme plutôt que lui, l’homme. L’auteur précise qu’« elle n’est pas en cause directement. Le reproche, en réalité, est adressé à Paul qui, en restant avec elle, a opté pour la sécurité. Une conversation heurtée se joue alors entre celui qui a choisi une vie stable, bourgeoise, et l’autre devenu saltimbanque, léger, frivole et futile, sans attaches véritables ». Et Philippe Besson, de poser la question : « Laquelle de ces deux vies a-t-on envie de vivre ? » A un moment du dîner, Antoine et Isabelle sortent pour fumer une cigarette. Paul et le narrateur / Philippe seuls. Le fantôme du passé, à nouveau. Souvenirs. Aveux. Questions qui demandent (mais ne reçoivent pas nécessairement) des réponses. Pour Paul et le narrateur / Philippe, c’est le temps des retrouvailles, même si elles ne seraient qu’éphémères. Leur histoire a eu lieu au carrefour des années 1980-1990- on lit : « Me reviennent alors les instants de 1989, quand l’amour était occulte, quand notre jeunesse nous offrait un sauf-conduit, quand l’inconscience nous guidait, quand les étreintes étaient ce qui importait le plus, quand les possibles l’emportaient sur les devoirs ».
On croit entendre une chanson de Françoise Hardy : « Malgré ses blessures / Car le temps de l'amour / C'est long et c'est court / Ça dure toujours / On s'en souvient »… On devine les sentiments d’hier et d’aujourd’hui, ceux de Paul et du narrateur / Philippe, dans les silences du dîner. Protagonistes et lecteurs, on s’interroge, inévitablement, sur des amours défuntes. On se demande : « Que reste-t-il de nos amours ? Que reste-t-il de ces beaux jours ? » Des baisers volés. Des rêves mouvants. L’espérance aussi, peut-être… Grand texte au dessus du vide, « Dîner à Montréal » est empli de pudeur et de sensualité. Comme toujours chez Philippe Besson…

Dîner à Montréal
Auteur : Philippe Besson
Editions : Julliard
Parution : 29 mai 2019
Prix : 19 €

[bt_quote style="default" width="0"]Je viens d'avoir quarante ans. J'affirme à qui veut m'entendre que ce basculement m'est indifférent. Je mens, bien sûr. J'ai compris que la jeunesse s'est définitivement enfuie- tout dans mon apparence en témoigne, et puis j'ai égaré l'espièglerie, la vivacité, je suis devenu sérieux- et je devine que tenter de m'y raccrocher aurait désormais quelque chose de pathétique.[/bt_quote]

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