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Vivre sa vie : une pièce subversive et corrosive à la mise en scène éblouissante

  • Écrit par : Xavier Paquet

vivre sa viePar Xavier Paquet - Lagrandeparade.com/ « Les qualités littéraires des dialogues du film de Godard m’ont frappé et j’ai tout de suite pensé qu’il serait fantastique de porter ce texte au théâtre ».

Pour son retour à la mise en scène, Charles Berling s’attaque à un monument en réadaptant ce chef d’œuvre. Le résultat est éblouissant.

La pièce est séquencée comme le film en douze plans discontinus et bruts, entrecoupés de chapitres annonçant la suite de l’histoire.
Elle retrace le destin tragique de Nana, jeune femme qui plaque Paul et son enfant pour « vivre sa vie Â». Elle rêve de cinéma, elle enchaine les petits boulots et les espoirs déchus. Jusqu’à cette rencontre au détour d’un trottoir où un photographe monnaie son talent. Elle glisse lentement dans la prostitution puis à force de rencontres en fera sa routine jusqu’à tomber amoureuse et vouloir arrêter. Et que sa vie aussi s’arrête dans une lutte intestine entre deux maquereaux.

On retient déjà de cette pièce la beauté et la puissance des textes : une écriture fine et ciselée dont le parti pris est de respecter les dialogues de Godard en y apportant un ton décalé et incisif. Elle insuffle une vraie modernité avec un regard plus féminin par l’apport de textes de Simone Weil ou Marguerite Duras par exemple.
Mêlant des monologues incisifs et des dialogues parfois crus, la pièce aborde sans complexe la condition de la femme, la violence d’une époque, la misère sociale. Elle soulève des questions sans y apporter des réponses mais en laissant au spectateur la possibilité de philosopher sur ces thèmes.

Et que dire de la mise en scène ? Absolument géniale avec une scénographie incroyable. Le plateau est coupé en deux par un gigantesque miroir entouré à cour et jardin de deux entrées de maison.
Devant celui-ci, la vie quotidienne de Nana et son avancée vers son funeste destin. Derrière, la violence de la prostitution pour projeter ce qui est caché.
Hyper inventive, la mise en scène utilise ce miroir comme clé de voûte de ces tableaux : miroir face auquel les comédiens jouent dos tourné, projections d’images ou d’extraits d’époque, images matérialisant un lieu, ombre chinoise, angle de vue différent avec une caméra filmant Nana depuis le plafond.

Le jeu de lumières est précis et extrêmement soigné. Il nous plonge dès le départ dans un malaise angoissant accentué par la musique jouée en live. Puis il anime les différentes étapes de la vie et des lieux traversés par Nana d’un bar à une brasserie, d’un trottoir à un bordel.

Cette pièce est portée par quatre comédiens de talent qui, exceptée l’héroïne, changent de personnages et se travestissent avec justesse, précision et une grande finesse de jeu.
Quant à Nana, elle est sublimement interprétée (vécue) par Pauline Chevillier qui apporte à merveille son désir de liberté, son détachement dans le tragique et sa beauté dans l’espoir de réussite. La tension et la force dans le corps ajoutent une intensité rare à sa partition.
« Moi je crois qu’on est toujours responsable de ce que l’on fait Â» : Nana qui se veut insoumise finit par se soumettre à un milieu violent par quête de reconnaissance. Entre espoirs et désillusions, son rêve d’une autre vie s’achèvera avec le sacrifice de celle-ci.

Utilisant les codes du cinéma dans sa scénographie, cette pièce subversive et corrosive retrouve la patte de la Nouvelle Vague. Chapeau Mr Berling.

Vivre sa vie
D’après Jean-Luc Godard
Metteur en scène : Charles BERLING
Interprète(s) : Hélène Alexandridis, Pauline Cheviller, Sébastien Depommier
Dramaturge : Irène Bonnaud
Assistant à la mise en scène : Matthieu Dandreau
Scénographe : Christian Fenouillat
Lumière : Marco Giusti
Musique : Sylvain Jacques
Video : Vincent Bérenger
Vidéo : Cyrille Leclerq
Coiffures et maquillage : Cécile Kretschmar
Costumes : Marie La Rocca
Assistante costumes : Léa Perron
Chorégraphe : Lyse Seguin
Décors : (69) Espace & Cie
Régie générale : Olivier Boudon
Régie Lumière : Nicolas Martinez
Régie Son/Vidéo : Christophe Jacques
Production Châteauvallon-Scène nationale / Le Liberté, scène nationale de Toulon.
Production déléguée Châteauvallon-Scène nationale.
CoproductionThéâtre Gymnase-Bernardines (Marseille), La Manufacture-Centre Dramatique National Nancy Lorraine.
Le spectacle a reçu le soutien du Théâtre des Halles-scène d'Avignon, du TGP-CDN de Saint-Denis, du CENTQUATRE-Paris.
En partenariat avec Le Théâtre des Halles, Scène d’Avignon, Direction Alain Timar.

Dates et lieux des représentations: 
- À 19H00 : DU 5 AU 28 JUILLET 2019 - RELÂCHES : 9, 16, 23 JUILLET au Théâtre des HALLES ( Rue du Roi René, 84000 - Avignon)


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