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Le Misanthrope : une comédie Résolue-ment réussie!

  • Écrit par : Julie Cadilhac

misanthrope Par Julie Cadilhac - Lagrandeparade.com/ Admirable Molière qui a peint les hommes avec une acuité prodigieuse et une universalité intemporelle! Comme il est déstabilisant d’entendre Alceste critiquer ses contemporains et leur propension à l’hypocrisie et à la bienveillance feinte pour satisfaire leur arrivisme, de voir Eliante peu courtisée car trop pure et sincère, Arsinoé méprisée et moquée du fait de sa péremption féminine programmée ( alors que les hommes qui prétendent à l’amour des jouvencelles autour d’elle ont son âge) et Célimène, coquette et inconstante, attirer toutes les attentions…

Alceste, l’idéaliste à l’âme puriste, s’est épris d’un objet vain…Exception malheureuse d’un destin fâcheux ou désespérante incarnation d’une réalité banale? Célimène n’est pas pire que les autres ; son jeune âge en fait une poupée superficielle qui entend assouvir ses envies du moment, jouir de la vie autant qu’il est possible et éloigner les obligations ennuyeuses qu’elle embrassera quand des rides lui confirmeront que c’est l’heure : « Moi renoncer au monde avant que de vieillir? Â» Elle aime plaire et les visites de ses prétendants sont autant de likes sur les réseaux sociaux contemporains…une drogue narcissique dont elle ne saurait se passer. Sophie Engel interprète avec justesse cette jeune femme ensorcelante d’artifices, de répartie et de confiance en elle. Sous une pluie de paillettes scintillantes, elle apparaît d'ailleurs, l’espace de quelques secondes magiques, comme une illusion rieuse, un rêve inaccessible et éphémère.

[bt_quote style="default" width="0"]Plus on aime quelqu’un, moins il faut qu’on le flatte.[/bt_quote]

Face à elle, Mickaël Pinelli incarne un Alceste convaincant, percé de toutes parts de contradictions, intrinsèquement machiste dans sa vision des femmes qu’il souhaite voir obéissantes et sages et paradoxalement incapable de raisonner devant les attraits physiques de Célimène. Tout à la fois pathétique caricature du mâle reptilien…et pourtant si propre à charmer par son esprit brillant et sa lucide analyse du monde qui l’entoure. Quel monstre fascinant que cet Alceste, oui!,  à l’esprit de contradiction ténue, aux plaintes aigües et qui ne cesse de pardonner pour mieux reprocher ensuite….
Clément Morinière s’avère un Philinte brillant, dosant avec pertinence charisme et discrétion pour ne pas voler la vedette au personnage éponyme…Charlotte Fermand rayonne dans son rôle d’Eliante, Pauline Coffre incarne une Arsinoé de caractère et Sébastien Mortamet est un Acaste d’une grande drôlerie qui donne à la conclusion de l’acte V un divertissement délicieux.

A cette mise en scène quadrifrontale qui donne au public le rôle de choeur-témoin - et choisit volontairement de réduire au minimun les éléments de décor - s’ajoutent des costumes à la prestance aristocratique, évoquant tout à la fois le XVIIème siècle et aujourd’hui. Doudounes et culottes bouffantes se superposent ainsi chez des comédiens au jeu nerveux et stichomythique. Les coiffures, également, souvent excentriques, insistent sur l’hybris régnant sur le plateau. Un montage sonore percutant s’impose par instants, soutenant la machinerie théâtrale qui s’emballe et mène à la conclusion dramatique. Un mot pour les lumières qui savent aussi, à point nommé, offrir de beaux effets au plateau.

La Compagnie La Résolue offre un moment de théâtre classique de qualité que chacun analysera à sa manière. Si Louise Vignaud dit avoir voulu y interroger le métier d’acteur et l’enjeu de la représentation et précise, dans la feuille de salle, que « Le Misanthrope (…) est la plus subversive des pièces de Molière. Â» et qu’« il (y) questionne le spectacle comme instrument de contrôle du pouvoir». D’autres auront peut-être entendu résonner davantage le combat amoureux que philosophique. Car Alceste ne renonce jamais à Célimène, c’est elle qui refuse de le suivre… Ses raisonnements se cassent tous le nez devant les mines et les jupons de la dame. La chute, sans le phrasé élégant de Molière, serait presque digne d’une farce où un Pantalone se verrait ridiculisé par une jouvencelle sous les feux de la rampe…et ce n’est pas parce qu’Alceste est un homme d’esprit qu’il en est moins ridicule et condamnable. C’est en tous cas ce que retiendra La Grande Parade….qui vous conseille vivement cette comédie Résolue-ment réussie!

[bt_quote style="default" width="0"]Vous ne m’aimez pas comme il faut que l’on m’aime.[/bt_quote]

Le misanthrope

Mise en scène : Louise Vignaud - Cie La Résolue
Avec Olivier Borle, Joseph Bourillon, Pauline Coffre, Ewen Crovella, Sophie Engel, Charlotte Fermand, Clément Morinière, Sébastien Mortamet, Mickaël Pinelli
Dramaturgie : Pauline Noblecourt

Scénographie : Irène Vignaud

Costumes : Cindy Lombardi

Son : Lola Etieve

Lumières : Luc Michel
Assistanat à la mise en scène : Hugo Roux
Production : Compagnie la Résolue

Coproduction : Théâtre National Populaire

Avec le soutien de la SPEDIDAM

 

Dates et lieux des représentations:
- Du ven. 19/01/18 au jeu. 15/02/18 au Théâtre National Populaire (TNP) - Tel. +33 (0)4 78 03 30 00
- Les 7 et 8 février 2019 au Théâtre Jean Claude Carrière, Domaine d’Ô, Montpellier ( 34)
- Les 27 et 28 mars 2019 au Théâtre de VillefranchePlace des Arts, CS 90301, 69665 Villefranche-sur-Saône 

ALCESTE

Je sais que, sur les vœux, on n’a point de puissance,
Que l’amour veut, partout, naître sans dépendance ;
Que jamais, par la force, on n’entra dans un cœur,
 
Et que toute âme est libre à nommer son vainqueur.
Aussi ne trouverais-je aucun sujet de plainte,
Si, pour moi, votre bouche avait parlé sans feinte ;
Et, rejetant mes vœux dès le premier abord,
Mon cœur n’aurait eu droit de s’en prendre qu’au sort.
 
Mais, d’un aveu trompeur, voir ma flamme applaudie,
C’est une trahison, c’est une perfidie,
Qui ne saurait trouver de trop grands châtiments :
Et je puis tout permettre à mes ressentiments.
Oui, oui, redoutez tout, après un tel outrage,
 
Je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage :
Percé du coup mortel dont vous m’assassinez,
Mes sens, par la raison, ne sont plus gouvernés ;
Je cède aux mouvements d’une juste colère,
Et je ne réponds pas de ce que je puis faire.

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