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L’Âge d’or de la peinture à Naples : dans le sillage de Caravage jusqu'au baroque

NaplesPar Catherine Verne - Lagrandeparade.fr/ L'exposition du Musée Fabre intitulée "L’Âge d’or de la peinture à Naples, de Ribera à Giordano" a été déclarée "d'intérêt national" par le Ministère de la culture et de la communication.  Outre sa caractéristique de présenter pour la première fois "la mort de Saint-Joseph" par Cavallino, récente acquisition du musée, elle souligne élégamment la richesse des influences qui vivifient la peinture napolitaine dans le sillage du Caravage pour la conduire au baroque.
On commence la visite par une vue de Naples digne des "vedute" les plus abouties. La ville déployée dans toute son étendue apparaissant telle que l'aurait photographiée un drone égaré au XVIIè siècle, on reste admiratif du travail de l'artiste qui aura, d'après plans couchés sur papier, érigé cette représentation en relief de l'architecture napolitaine, hérissée de batisses et dont les cimes se tutoient par delà les rues étroites. En face de ce panoramique, on trouve à terre, immergé dans une de ces rues denses, Spadaro: il peint ses compatriotes dans leur agitation foisonnante au quotidien, prenant sur le vif des postures citadines pittoresques, dans un tumulte odorant et bigarré qui aurait séduit le flammand et contemporain Brueghel. C'est que l'essor de la ville portuaire la hisse alors au même rang que Londres. Mais ce n'est pas pour son développement économique ou démographique que Naples nous intéresse ici, c'est pour l'influence picturale  considérable qu'y laissera en  s'y réfugiant, Caravage, le peintre bagarreur exilé de Rome. La construction typique en clair-obscur de son "Jean-Baptiste" à la moue mélancolique -autobiographique?- témoigne de cet esthétisme tranchant radicalement avec la tradition maniériste en vigueur alors. Une pâte qu'on retrouve plus loin chez le portraitiste Stanzione, ou chez un Battistello, prêtant à son Christ les détails d'une anatomie émue et très humaine de sorte que le spectateur s'y identifie plus volontiers qu'aux modèles exsangues et dépouillés de la récente Réforme.
A ce stade de la visite, il faut faire une pause devant la "Piéta" de Ribera, acmé de son naturalisme, pour admirer avec quelle maîtrise le peintre retranscrit l'émotion la plus expressive sur les visages et dans les attitudes, jusqu'à la beauté douloureuse du baiser que Marie-Madeleine dépose sur les pieds du Christ. Incontournable Ribera, très à l'honneur dans cette exposition, dont on appréciera de pouvoir contempler plusieurs toiles, dont "le pied-bot" et "la Sainte Marie Egyptienne". A saluer à ce propos, le choix d'accrocher les oeuvres présentant des compositions de facture très distinctes par un même artiste pour en favoriser le dialogue esthétique, certaines appartenant à la collection du musée Fabre, d'autres venant de Naples pour l'occasion, mais aussi de Madrid et San Francisco.
Après nous avoir proposé une introduction à la géographie de la ville, puis ce focus sur la façon dont le caravagisme emporte la peinture napolitaine du maniérisme au réalisme, l'exposition nous sensibilise à l'histoire du peuple avec des tableaux illustrant les graves événements qui sous-tendent l'esthétisme pictural de l'époque comme les émeutes soulevées par le pêcheur Masaniello, la peste dont Spadero dépeint la tragique violence, ou "l'éruption du Vésuve en 1631" de Scipione Compagno. Elle se termine sur l'orientation baroque des peintres napolitains. Mentionnons à ce titre les natures mortes de Paolo Porpora, parmi lesquelles deux petites toiles dignes d'un cabinet de curiosités ; l'on aura ainsi achevé notre voyage parmi les influences qui colorent la peinture napolitaine du XVIIè siècle, influences décidément cosmopolites puisqu'un oeil attentif ne manquera pas de remarquer en fin de parcours, sous une facture vénitienne, la référence - par le très baroque Luca Giordano - au Français Rubens dans le traitement de la chair de sa Perséphone.


Musée Fabre, 39 boulevard Bonne-Nouvelle, Montpellier.

Du 20 juin au 11 octobre 2015.

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