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Sous le Rocher, les pages... : Julien Moraux et Philippe Lacoche, deux romans subversifs à souhait!

  • Écrit par : Guillaume Chérel

rien ne vient Par Guillaume Chérel - Lagrandeparade.com/ « Dans l'histoire des fils de putes, Granola occupe une place de choix entre Gengis Khan et Napoléon. Mais Houellebecq raconte de la merde. ». Voici le genre de phrase écrite par Julien Moraux, dans son premier roman : « Mais rien ne vient », publié aux audacieuses éditions du Rocher. Car, le moins que l'on puisse dire c'est que ça dépote au niveau dialogue et narration abracadabrantesques, comme dans les meilleurs polars de gare de la San Antonio. Pas étonnant, puisque le narrateur est censé écrire la bio de Gérard de Villiers, l'auteur de SAS, moins rigolo mais plus macho que Frédéric Dard : « Je crois que ça a commencé à déconner quand on m'a planté un tournevis dans le gigot, écrit Julien Moraux. Ou alors était-ce au moment où une bande de gorilles armés jusqu'aux crocs a voulu me faire la peau ? Je ne sais plus. Et si, en vérité, toute cette histoire était la faute de Michel Houellebecq ? Ce dont je me souviens, c'est qu'au départ, je devais écrire une biographie de Gérard de Villiers, le célèbre auteur des aventures de SAS, et qu'il a été question ensuite de sauver le monde. Et la littérature. Va expliquer ça à ton éditeur. »

Et au lecteur, alors ? Mais rien ne vient est une belle découverte. On sent que l'auteur a des références mais qu'il a décidé de ne pas se prendre au sérieux : « Aujourd'hui mon chien est mort. Ou peut-être hier. Je ne sais pas. » C'est la première phrase du livre. La dernière de la page 111 (il y a un prix littéraire pour ça !) n'est pas mal non plus : « On part sur une base de clones nazis, c'est bien ça ? Ecoutez, je vais voir ce que je peux faire. » Le narrateur s'adressait là au vrai Gérard de Villiers. Enfin, vrai... C'est la veuve de Gérard qui existe toujours et c'est elle qui refuse qu'on écrive un livre sur son ex-mari, lequel avait de multiples maîtresses, il faut dire. Ce qui reste à prouver pour Beigbeder. Qu'est-ce qu'il fait là, celui-là ? Vous n'y comprenez plus rien ? C'est normal. Et pas grave. Voilà t'y pas que Thomas Pynchon débarque dans le récit. Lui c'est le nouveau Salinger... Il refuse toute interview. Personne ne sait où il est. Sauf Julien Moraux, manifestement. Lequel a de l'humour à revendre mais abuse du name-droping. Qui se souviendra de Beigbeder dans un siècle ? Julien Moraux serait un ancien étudiant en philo, devenu cascadeur (sic !), puis physicien et/ou coiffeur paysagiste, avant de devenir prof, lit-on dans sa bio (pas sur Wikipédia). Il en a sous la pédale. Sa plume est déliée, libre, drôle. On attend son deuxième roman avec curiosité.

mise au vertDans un autre genre, moins dingo mais tout aussi subversif, Mise au vert, de Philippe Lacoche, est une nouvelle source de belles surprises, littérairement parlant. Pierre Chaunier, (initiales P.C, pas anodin), journaliste à l'ancienne, vit une belle histoire d'amour avec « l'Orangée de Mars ». Ils partagent plaisirs de la chair, affinités littéraires et dégoût de l'ultralibéralisme, ambiance Gilets Jaunes mais plutôt rouges et noirs : « Et si on plaquait tout pour fonder une communauté dans le Vaugandy ? ». Disons plutôt une sorte d'Eco-lieu, comme on dit aujourd'hui, parce que l'époque Flower-power, façon hippies, c'est bien fini. Le couple néo-baba arrive à convaincre des amis d'acheter avec eux une ferme perdue au milieu de nulle-part. Mais « voyou en col blanc » ne voit pas cette tentative libertaire d'un bon œil. Il veut dénaturer l'entreprise communautaire pour en faire un fleuron du libéralisme. Ceci, au moment où la révolte gronde dans le « Vaugandy » et partout en France.

Philippe Lacoche est lui-même journaliste au Courrier Picard. Il sait de quoi il parle quand il est question des gens de peu. Chaque année, au printemps, il participe à l'opération Leitura Furiosa (lecture furieuse en portugais), via l'association Cardan, qui œuvre depuis plus de vingt ans, en jumelage avec Lisbonne, pour combattre l'illettrisme en Picardie (et au Portugal). Avec ce nouveau roman, en lice pour différents prix littéraires de poids, il réincarne Pierre Chaunier, déjà « utilisé » dans le Chemin des Fugues (Prix littéraire des Hussards 2018), et Vingt-quatre heures pour convaincre une femme. Le héros (du quotidien) rêve d'une société meilleure, plus humaine, fraternelle, juste et réellement démocratique. Ce qui advient au « Pays du Vaugandy », cet « arrière-pays enclavé sauvage et perclus de légende » est une métaphore de ce qui se passe dans toute la France, en Europe et dans le monde, en général. L'air de rien, cette fable politique raconte l'histoire de « petits » qui vont faire vaciller un « grand ». Le peuple des exclus arrive à faire trembler le représentant d'une « élite » autoproclamée : ça ne vous rappelle rien ?

Mais rien ne vient
Editions : du Rocher
Auteur : Julien Moraux
315 pages
Prix :18, 90 €
Parution : 2 octobre 2019

Mise au vert
Editions : du Rocher
Auteur : Philippe Lacoche
386 pages
Prix : 19 € 
Parution : 4 septembre 2019


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